Le nouveau Code des Sociétés et des Associations : Place à la flexibilité et à l’inventivité !

Maître Laurence Adam, avocate au barreau de Liège

La loi du 23 mars 2019 introduisant le Code des sociétés et des associations et portant des dispositions diverses a révolutionné le droit des personnes morales pour doter la Belgique d’un cadre juridique à la fois international, compétitif et transparent. Les trois mots d’ordre du législateur : simplicité, flexibilité et modernité.

La présente brève trace les grandes lignes de la réforme, ce numéro spécial se voulant un aperçu de quelques nouveautés à ne pas manquer.

 

Un droit des personnes morales plus simple et plus cohérent

1°) Le droit des associations est intégré dans le Code des Sociétés, qui devient le « Code des sociétés et des associations » (CSA en abrégé).

Les associations peuvent désormais, comme les sociétés, exercer, même à titre principal, des activités commerciales ou industrielles, pour autant que celles-ci s’accordent avec le but désintéressé qu’elles poursuivent.

La distinction entre ces deux entités juridiques se situe dorénavant au niveau de la distribution (directe ou indirecte) d’un quelconque avantage patrimonial à leurs fondateurs, membres/actionnaires et administrateurs, toute distribution restant par nature interdite aux associations.

Toutes les personnes morales sont régies par les mêmes dispositions générales, reprises en partie 1re du CSA. Ainsi, les mêmes règles s’appliquent à une société ou à une association par exemple en matière d’administration et de responsabilité des administrateurs.

La spécificité du secteur non-marchand est néanmoins respectée : les ASBL, AISBL et fondations disposent chacune de leur propre livre au sein du CSA (livres 9 à 11).

2°) D’une quinzaine de formes et variantes de sociétés, le législateur est passé à quatre formes nationales de sociétés :

  • la société simple,
  • la société à responsabilité limitée,
  • la société coopérative,
  • la société anonyme.

 

A noter que :

  • La société simple, qui n’est pas dotée de la personnalité juridique, pourra être utilisée  pour réaliser les objectifs d’une société anciennement dénommée « momentanée » ou « interne » ;
     
  • La société coopérative, désormais réservée aux seules sociétés poursuivant réellement un idéal coopératif, pourra être agréée comme coopérative, mais également comme entreprise sociale (ancienne société à finalité sociale) ;
     
  • La société à responsabilité limitée pouvant être constituée « sans capital » et/ou par un actionnaire unique, ses variantes « SPRLU » et « SPRL-S » ne se justifient plus et sont supprimées ;
     
  • Il en va de même de l’ancienne société en commandite par actions, la société anonyme pouvant désormais être administrée, notamment, par un administrateur unique ;
     
  • Les formes européennes de sociétés subsistent (société (coopérative) européenne, parti politique européen et fondation politique européenne, groupement européen d’intérêt économique).

 

Davantage de flexibilité pour les actionnaires

C’est assurément au niveau de la société à responsabilité limitée (SRL), forme de société voulue comme « de base » par le législateur, que la liberté des actionnaires est la plus grande.

1°) Pour rendre cette forme de société – qui doit faire de la Belgique un paradis des sociétés – attractive, l’exigence d’un capital minimum à la constitution est supprimée.

Cette disparition radicale est assortie de mesures de protection du patrimoine de la société, qui seront abordées dans le présent numéro spécial.


2°) Le CSA se veut majoritairement de droit supplétif, une liberté quasi totale étant laissée aux actionnaires pour organiser les rapports entre eux.

Ainsi, il n’y a plus de lien entre la valeur historique des apports et les droits attachés aux actions, de sorte que des actions émises en échange de deux apports identiques peuvent donner des droits différents et, inversement, des mêmes droits peuvent être conférés pour des actions émises en rémunération d’apports différents.

De même, la règle selon laquelle chaque action donne droit à une part égale du bénéfice et du solde de liquidation ou encore selon laquelle chaque action donne droit à une voix est supplétive. La seule règle contraignante est minimaliste : au moins une action doit être émise et une action au moins doit être assortie du droit de vote.

Partant, des actions sans droit de vote peuvent être émises ou encore à droit de vote multiple (sans limite en termes de coefficient, sauf dans les sociétés cotées). Il est encore possible d’émettre une action conférant un dividende privilégié ou un droit privilégié en cas de liquidation.

Il ne s’agit là que de quelques exemples généraux de ce qu’il est désormais possible de faire en SRL.


3°) Les restrictions qui étaient posées auparavant à la libre cessibilité des titres de la SRL deviennent supplétives (agrément écrit de minimum la moitié des actionnaires possédant trois quarts des actions). Pour paraphraser le législateur, les actionnaires peuvent faire de la SRL une société totalement ouverte, à l’instar de la société anonyme, tout en conservant la possibilité d’en faire une société fermée.


Un droit qui se veut en phase avec la mobilité des sociétés

Outre la faculté de déplacement du siège social par l’organe d’administration et le développement des moyens électroniques de communication, nous pointerons le changement le plus fondamental, soit l’instauration de la théorie du siège statutaire.

Dorénavant, l’applicabilité de ce tout nouveau droit belge des sociétés et associations ne sera pas déterminée par le siège réel de la personne morale, comme c’était le cas jusqu’à présent, mais bien par le siège renseigné dans ses statuts.

A noter que la réforme se veut neutre sur le plan fiscal de sorte que, notamment, les sociétés et associations dont le siège réel est établi en Belgique resteront soumises à l’impôt belge des sociétés/des personnes morales (voir la Loi du 17 mars 2019 adaptant certaines dispositions fiscales fédérales au nouveau Code des sociétés et des associations).


Mais il y a aussi …

1°) Il sera question dans la SRL comme dans la SA d’ « actionnaires » et d’ « administrateurs ».


2°) La SA pourra être administrée selon trois systèmes :

  • « Moniste », soit l’actuel organe d’administration collégial, composé de trois membres au minimum ;
  • L’ « administrateur unique », soit une seule personne, même physique (sauf dans les sociétés cotées) ;
  • L’ « administration duale », composée d’un conseil dit « de surveillance » et d’un conseil dit « de direction », les membres de ces deux organes étant impérativement différents.

3°) Au sein de la SRL, l’administration peut être confiée à un administrateur unique, à une pluralité d’administrateurs disposant chacun d’un pouvoir de gestion concurrente ou encore à un organe collégial.

Grande nouveauté : la gestion journalière pourra, également dans la SRL, être confiée à un délégué !


4°) La notion de « gestion journalière » est à présent définie dans le CSA. Elle comprend les actes et les décisions (i) qui n'excèdent pas les besoins de la vie quotidienne de la société ou (ii) qui, soit en raison de leur intérêt mineur qu'ils représentent soit en raison de leur caractère urgent, ne justifient pas l'intervention de l'organe d'administration.


Sur le plan procédural

Les compétences et pouvoirs du Tribunal de l’entreprise se voient accrus dans le cadre des procédures judiciaires en exclusion et/ou en retrait, le Président de cette juridiction siégeant comme en référé pouvant, notamment, connaître des litiges connexes (prêts, comptes courants, sûretés, clauses de non-concurrence) et pouvant s’écarter de certaines dispositions contractuelles et/ou statutaires au motif de l’équité.

 

Le CSA, plus qu’une codification du droit des sociétés et associations, constitue un bouleversement de cette matière. Toutes les personnes morales, qu’elles soient « nouvelles » (c’est-à-dire constituées après l’entrée en vigueur du CSA) ou « anciennes » (existantes au 1er mai 2019), doivent y être attentives passivement, pour connaître les nouvelles règles auxquelles elles sont soumises, mais avant tout activement pour tirer tous les bénéfices de la réforme.  L’imagination des rédacteurs de statuts et convention d’actionnaires aura la voie libre.