Je trouve la loi injuste : que faire ?

Maîtres Elisabeth Kiehl et Rodrigue Demeuse, avocats au barreau de Liège

En Belgique, même le législateur ne peut pas tout faire.

Les lois, décrets et ordonnances doivent en effet respecter la Constitution, qui garantit notamment la manière dont les compétences sont réparties entre les niveaux de pouvoir, ainsi que de nombreuses libertés fondamentales, telles que les libertés d’association, de presse et de culte, le droit à la vie privée et le droit de propriété, le secret des lettres, le principe d’égalité et de non-discrimination, ou encore les principes d’égalité et de légalité de l’impôt.

La Cour constitutionnelle veille au respect de certains articles de la Constitution.

Elle peut être saisie directement par un recours en annulation (au plus tard six mois après la publication de la loi, du décret ou de l’ordonnance) ou interrogée par un juge dans le cadre d’une question préjudicielle à l’occasion d’un litige en cours (sans délai particulier).

Dans le premier cas, la Cour peut annuler tout ou partie de la loi, du décret ou de l’ordonnance, qui est alors censé n’avoir jamais existé. Dans le second cas, le juge est tenu par la réponse reçue et doit, le cas échéant, écarter l’application de la loi.

Ainsi par exemple, la Cour constitutionnelle a récemment annulé, par un arrêt n° 148/2017 du 21 décembre 2017, les dispositions de la loi dite « Pot-pourri II » qui prévoyaient la soustraction de la quasi-totalité des crimes à la Cour d’assises, empêchant de la sorte la disparition de cette dernière.

En matière de question préjudicielle, relevons l’arrêt n° 18/2016 du 3 février 2016 rendu dans l’affaire opposant Delphine Boël au Roi Albert II. Répondant à une question posée par le Tribunal de première instance de Bruxelles, la Cour constitutionnelle a notamment constaté l’inconstitutionnalité d’une disposition du Code civil empêchant un enfant de plus de 22 ans d’intenter une action en recherche de paternité plus d’un an après la découverte du fait que le mari de sa mère n’est pas son père. Cet arrêt a ainsi permis à Delphine Boël de poursuivre son action devant le juge malgré le long délai écoulé.

Notre conseil :

Une loi, un décret ou une ordonnance n’est donc pas impossible à remettre en cause. Ainsi, dans certains cas, la norme n’est pas seulement injuste mais s’avère également inconstitutionnelle.

Si vous devez alors en principe la respecter, consulter un avocat spécialisé vous permettra, le cas échéant, d’en contester la constitutionnalité, soit directement, soit au travers d’une question préjudicielle adressée à la Cour Constitutionnelle.